samedi 14 juillet 2018

L'affaire Roswell

(article initialement publie le 24 Fevrier 2012)
Mettons tout de suite les choses au point: l'affaire Roswell, la plus grande qu'ait connu l'ufologie depuis qu'elle existe, n'a PAS de rapport avec le fameux film de la soi-disant autopsie d'un extra-terrestre (tout du moins, pas directement).
Il est impossible de resumer brievement Roswell en quelques lignes, il faudrait des centaines de pages pour commencer a avoir un embryon de la chose. J'ai donc decide de reproduire ici un court texte assez bien fichu, lu dans l'ouvrage "Verites et mensonges sur les OVNI" de Joel Mesnard (editions Trajectoires, 2008), qui presente le tout dans les (tres) grandes lignes.

Le nom est familier à beaucoup de personnes, mais par les vertus de la désinformation, ils évoquent bien plus une colossale entreprise de debunking (le debunking, de l'anglais "debunk" qui signifie "discréditer" ou "démythifier", est l'art qui consiste à nier et à discréditer tout évènement ayant trait de près ou de loin à l'existence d'êtres extraterrestres) montée au milieu des années quatre-vingt-dix, que les évènements de Juillet 1947. L`affaire est extrêmement complexe, et met en scène un nombre considérable de protagonistes.

A la fin du printemps 1947, les observations de "disques volants" (c'est le terme qu'employaient alors les Américains) se multiplient sur le territoire des Etats-Unis, et notamment dans le Sud. A cette époque, la seule unité de bombardiers armés de bombes atomiques est le 509eme groupe de bombardement de l'US Army Air Force (qui deviendra deux mois plus tard l'US Air Force, suite à une réorganisation en profondeur des forces armées). Equipé de B-29 identiques à ceux qui ont largué les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, le 6 et le 9 août 1945, le 5O9th BG est stationné sur la base de Roswell (RAAF : Roswell Army Air Force Base), au Nouveau Mexique. On trouve dans ce même Etat (presque désertique) la majeure partie des installations qui ont permis la réalisation des bombes atomiques : le Projet Manhattan (ce projet, qui avait pour but la réalisation de la bombe atomique, a été lancé le 9 Octobre 1941, pour contrer une menace allemande. Dès le 2 août 1939, Albert Einstein avait adressé un courrier au Président Roosevelt, afin d'attirer son attention sur le fait que les nazis cherchaient à mettre au point une telle arme, ce qui représentait évidemment un risque de toute première importance) est implanté dans les laboratoires de Los Alamos ; les installations industrielles qui ont permis la fabrication des bombes se trouvent dans les laboratoires Sandia, près d'Albuquerque. Dans la même région, on trouve le coin de désert connu sous le nom de Trinity Site, où a eu lieu la première explosion expérimentale, le 16 juillet 1945 (expliquée aux habitants de la région comme résultant de la destruction accidentelle d'un dépôt de munitions) ; on trouve également le polygone de tir de White Sands, où sont expérimentés des dérivés des V1 et surtout des V2 récupérés en Allemagne à la fin de la guerre, ces derniers étant appelés, par améliorations successives, à donner naissance aux missiles stratégiques, américains aussi bien que soviétiques, de première génération.

Le mardi 8 juillet, une nouvelle stupéfiante éclate : le colonel Blanchard qui commande le 5O9th BG fait savoir que ses hommes ont récupéré l'épave d'un disque volant.
Le soir du même jour, lors d'une conférence de presse organisée dans le bureau du général Ramey, sur la base de Carswell (à Fort Worth, au Texas), une toute autre version est servie aux journalistes : en fait, c'est l'un des officiers du 5O9th BG, le commandant Jesse Marcel, qui s'est trompé : il a pris les débris d'un petit ballon météo, auquel était accroché un simple réflecteur radar pour l'épave d'un disque volant. De minables débris du ballon et du réflecteur sont étalés sur le sol. Le général Ramey, son adjoint le colonel DuBose, le lieutenant Newton, chargé de la météo, et le commandant Marcel se laissent photographier devant ces détritus. Marcel, qui ne dit pas un mot, passe pour un parfait imbécile, d'autant plus qu'il était chargé des questions de sécurité. Le sort du colonel Blanchard, qui a autorisé la diffusion de la nouvelle, en milieu de journée, n'est guère plus enviable. Mais personne n'y prête beaucoup d'attention, l'affaire est classée : c'était une erreur.

Plus de trente années s'écoulent, sans que cette affaire ne fasse plus parler d'elle.
En février 1978, Stanton Friedman, un physicien nucléaire déjà très impliqué dans les enquêtes ufologiques, tombe presque par hasard sur cette affaire, dont il ignorait tout. II entre aussitôt en contact avec le lieutenant-colonel (en retraite) Jesse Marcel, qui lui explique comment les choses se sont passées, trente ans plus tôt : il avait été alerté (on sait aujourd'hui que c'était le dimanche 6 juillet), par le shérif de Roswell, George Wilcox, à qui un éleveur de moutons, William Mack Brazel, était venu dire qu'il avait trouvé, sur les terres qu'il exploitait, loin au nord-ouest de la ville, une très grande quantité de débris qu'il n'avait pu identifier.
Marcel, qui avait alors le grade de commandant ( major), partit aussitôt sur les lieux, en compagnie du capitaine Cavitt, chargé du contre-espionnage. La route étant très longue et mauvaise, ils ne parvinrent sur les lieux qu' à la tombée de la nuit. Ils dormirent sur place, dans une simple cabane servant de remise. Le lendemain matin, Brazel les emmena sur le site aux débris, ou ils firent une découverte extraordinaire : ce champ de débris était très vaste (plus d'un kilomètre de long, sur une centaine de mètres de large). Les débris, innombrables et très légers, avaient des propriétés incroyables, notamment de résistance mécanique. Marcel et Cavitt passèrent une grande partie de la journée à en ramasser le plus possible, et rentrèrent très tard à Roswell.
La conférence de presse à Fort Worth, le mardi soir, ne fut qu`une mise en scène : on exhiba de faux débris, qui étaient de toute évidence ceux d'un ballon météo. Marcel, passant sur ordre de ses supérieurs pour un crétin incapable de reconnaître ces débris de ballons, fut le dindon de la farce.
Depuis une vingtaine d'années maintenant, les ufologues américains ont fait un travail d'enquête énorme, dont les résultats sont remarquables. Ils ont retrouvé un grand nombre de témoins (une centaine). Chacun d'eux n'a assisté qu'à une petite partie des évènements, personne n`ayant été en mesure d`observer le déroulement des faits depuis la découverte des débris jusqu'aux stades ultimes de l'enquête. Toutefois, ces témoignages convergent vers un scénario qui semble très hautement probable, et dont on peut résumer ainsi les grandes lignes :
Si le commandant Marcel, aussitôt après avoir reçu le coup de téléphone du shérif, part précipitamment vers le champ de débris, en compagnie de Cavitt, ce n'est évidemment pas que son travail consiste à aller examiner de près n'importe quel tas de ferraille abandonné en pleine nature, très loin de la base. C'est parce que peu de temps avant cela (quelques heures probablement, trois jours tout au plus), les militaires ont été avertis de l'existence d'un autre site de crash, à peu près dans la même direction, mais beaucoup moins loin, et que sur ce site, ils ont découvert rien moins que l'épave d'un OVNI accidenté, avec les membres de son équipage, dont un encore en vie ! Des civils, notamment un groupe d'archéologues, ont vu, eux aussi, le vaisseau accidenté et ses occupants.
L'information est aussitôt considérée comme sensible au plus haut degré, le terrain est bouclé par la police militaire, et les temoins sont menacés : ils ne doivent absolument rien dévoiler de ce qu'ils ont vu, sous peine d'avoir à en subir les conséquences. Néanmoins, les témoins civils n'ayant pas nécessairement été tous identifiés, des fuites sont à craindre, et on ne peut courir un tel risque. La stratégie adoptée (probablement le lundi 7 juillet) est celle du contre-feu : on va propager la nouvelle d'un accident de disque volant, suivi de récupération de l'épave, puis on va démentir la nouvelle, si possible d'une manière qui invite à sourire. Ainsi, si des témoins du premier crash font savoir ce qu'ils ont vu, personne ne les croira, l'affaire ayant par avance été démentie. II suffit de faire vite.
Sur ces entrefaites surgit la nouvelle d`un autre crash (celui des débris). Le lien entre les deux incidents parait évident, c`est pourquoi le commandant Marcel part sans tarder. En fait, pour les hauts responsables (le général Ramey et ses supérieurs), cet autre site de crash tombe plutôt bien, puisqu`il n`est pas question d'épave, ni d`équipage mal en point : il n`y a là-bas que des débris matériels. Cela va grandement faciliter la manoeuvre.
La mise en scène organisée à Fort Worth, le 8 au soir, fonctionne très correctement. Personne ne soupçonne la manipulation. Tout le monde rigole un moment, aux dépens de Marcel (et sans doute aussi du colonel Blanchard), et tout rentre dans l'ordre. Ni nu, ni connu ! Personne ne remarque qu'une telle bévue, de la part d'officiers d'élite, investis des plus hautes responsabilités, est tout simplement impensable.


A partir des années quatre-vingts, plusieurs équipes d'enquêteurs se lancent dans ce qui va être (et de loin) la plus grande enquête de l'histoire de l'ufologie. Parmi les témoins qui vont fournir des récits compatibles avec le scénario résumé ci-dessus, on compte quelques militaires de haut rang qui, sur la fin de leur vie, ne se sont plus sentis tenus au secret, et ont courageusement décidé de parler. C'est le cas, par exemple, du général Exon, qui a affirmé avoir survolé en avion les deux sites distincts. C'est le cas également du général DuBose, qui a révèle la mise en scène organisée dans le bureau de son chef, et a dit très clairement que de faux débris avaient été substitués aux vrais.
Au fil des ans, le dossier ne cesse de s'étoffer, le déroulement des évènements se précise : il y a eu ratissage des deux sites, transport par avion des débris (et probablement des cadavres), intimidation des témoins, civils et militaires, puis disparition totale et inexplicable des archives de la base de Roswell pour la période considérée. Pendant un quart de sicle, les ufologues américains font preuve d'une détermination et de capacités dont on aimerait voir, ne serait-ce qu`une pale imitation, de ce coté de l'Atlantique. A partir de 1990, d`excellents livres paraissent, qui permettent de se faire une idée sans cesse plus précise de ce qui a pu se passer à Roswell en juillet 1947.

Au début de 1994, une suite de manoeuvres s'enclenche aux Etats-Unis, lorsqu'un représentant (Républicain) du Nouveau Mexique, Steven Schiff, sous la pression de nombreux électeurs, tente d'obtenir des éclaircissements sur l'affaire. N'ayant rien obtenu du Pentagone, ni de l'US Air Force, il se tourne vers le GAO (General Accounting Office), une sorte d'équivalent de notre Cour des Comptes, pour demander l'ouverture d'une enquête. Au cours des mois qui suivent, l'US Air Force fait savoir que les débris de Roswell étaient ceux d'un train de ballons, ultra secret en 1947 (ballons Mogul), destiné à permettre la détection acoustique d'éventuelles explosions atomiques soviétiques. Les descriptions fournies par les témoins ne correspondent en rien à des débris de ballons, mais peu importe : il existe, à partir de 1994, une "vérité" officielle sur les débris de Roswell.

Au début de 1995, une étrange nouvelle éclate : un petit producteur de musique anglais, Ray Santilli, a mis la main, presque par hasard, sur un film noir et blanc, sans bande son, qui montre... l'autopsie du cadavre d'un extraterrestre par des chirurgiens porteurs de combinaisons intégrales. Aussitôt, des personnes bien intentionnées s'empressent de faire l'amalgame avec l'affaire de Roswell, bien qu'aucun élément concret ne justifie ce rapprochement. II est vrai qu'à cette époque, on attend la publication du rapport du GAO.
L'histoire de l'ufologie recèle d'un certain nombre de coïncidences "fortuites" tout à fait remarquables. Au moment ou le GAO va publier ses conclusions, Santilli diffuse à travers le monde son film de l'autopsie. Il existe aussi une autre séquence, plus courte, filmée sous une tente, où l'on voit de curieux artefacts comparables a des empreintes de mains a six doigts dans des plaques de couleur claire. Or le « cadavre » de l'autopsie avait justement des mains (et des pieds) à six doigts. Les personnes les plus imaginatives estiment aussitôt que les séquences se confirment mutuellement. Quant à la presse, elle n'hésite pas à se vautrer dans l'amalgame (que rien ne justifie, rappelons-le !) entre ces séquences filmées et l'affaire de Roswell (on notera au passage une comique histoire de prétendu sang vert, alors que le film est en noir et blanc !). Les témoignages, les enquêtes, qui dessinent déjà avec précision le déroulement des faits, sont carrément passés sous silence. Un torrent de critiques s'abat sur TFI et sur Jacques Pradel, qui ont présenté le film et le diffusent même sous forme d'une cassette vidéo. La presse "sérieuse" se déchaîne contre ce qu'elle qualifie de machination et contre "la crédulité des gens".
Dans ce tohu-bohu, la publication du rapport du GAO, en juillet 1995, passe inaperçue. Les ufologues les plus circonspects se demandent si le scandale de "l'autopsie" n'aurait pas servi, entre autres choses, à détourner l'attention du rapport du GAO, qui confirme l'impossibilité d'obtenir les informations recherchées, et précise (contrairement à ce qu'a affirme Libération du 8 août) que "le débat sur ce qui s'est écrasé à Roswell continue" (avec entre autres la disparition inexplicable et illégale des archives de la base).

Deux ans plus tard, l'US Air Force publie un nouveau rapport, qui nous apprend que les cadavres évoqués par divers témoins étaient en fait des mannequins, parachutés dans le cadre d'expériences concernant l'évacuation en vol des avions en perdition. On apprend rapidement que ces expériences ont été effectuées... en 1953 ! L'anachronisme, étrangement, ne soulève aucune interrogation chez les sceptiques (notamment Français), qui voient en ce rapport la révélation qui met un point final à toute l'histoire. Soupçonneux à l'extrême envers les déclarations des témoins, ils acceptent sans broncher les "explications" de I'US Air Force.
Le 29 juin 2007, FR3 diffuse une émission "Pièces à conviction" qui - comme c'est étrange ! - est globalement orientée, dans le sens qu'on devine : celui de toutes les émissions de télévision hexagonales évoquant la question des OVNI (iI faut quand même mentionner une exception : l'excellente émission sur Arte, le 8 juin 2005). Au cours de cette émission, l'affaire de Roswell est évoquée, sans que soient cités les témoignages recueillis, depuis plus de vingt ans, par les ufologues américains. L`évocation de Roswell est centrée sur deux choses : d'une part l'interview d'un truqueur professionnel britannique, travaillant pour le cinéma, qui affirme avoir produit, de ses mains, le "cadavre" de l'autopsie, mais n'en apporte aucune preuve (alors qu'une séquence le montrant en compagnie de sa prétendue création aurait suffi à donner quelque crédibilités à ses affirmations) ; d'autre part, le commerce de produits dérivés (notamment d'extraterrestres en plastique vert), lors du cinquantième anniversaire des évènements de 1947. Sur les témoignages, sur leur cohérence globale, sur les questions qui se posent encore, rien. Pas un mot.
Etrange démarche, soucieuse quand il s'agit d'instiller le doute sur un cas solidement documenté, et totalement laxiste envers une affirmation gratuite !
Telle est, dans ses grandes lignes, et dans ses grandes lignes seulement, l'extraordinaire affaire de Roswell. En fait, les témoins sont si nombreux, sans parler des péripéties des enquêtes (avec notamment plusieurs "témoins" hautement suspects), qu'il faut disposer de quelques documents, et prendre son temps, pour se forger une idée réaliste de la question. Pour qui ne lit pas l'anglais, le livre de Gildas Bourdais (Roswell, Enquêtes, Secret et Désinformation, JMG Editions, 2004), permet de se faire une idée assez complète de l'affaire, sans avoir à se perdre dans d'innombrables documents.
Retenons ici un point capital : cet évènement sans précédent, attesté par de très nombreuses personnes, aggravé par une inexplicable destruction d'archives, et obscurci par diverses manoeuvres, s'est produit à quelques dizaines de kilomètres seulement de l'endroit où entaient basés les seuls bombardiers au monde alors capables de transporter des bombes atomiques. La coïncidence n`est certainement pas due au hasard.
 
Pour ceux qui desirent en savoir plus, un livre incontournable est celui de Gildas Bourdais, cite au paragraphe precedent. C'est d'ailleurs sans doute le seul valable en langue francaise...
Il est absolument indeniable qu'il s'est passe quelque chose a Roswell en 1947. Attention, je n'ai pas dit que c'etait forcement le crash d'un engin extra-terrestre; la cause est peut-etre tout ce qu'il y a de plus humaine. Mais il s'est forcement deroule quelque chose d'important...

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