vendredi 4 septembre 2020
lecture: L'amour au Moyen-Age, de Jean Verdon
Tristan et Iseut, Héloïse et Abélard - le sentiment amoureux a divinement inspiré les auteurs du Moyen Age. Mais, fait moins connu, si au quotidien la libido reste sous étroite surveillance, le sexe et les plaisirs de l'amour physique ne sont pas interdits. D'Héloïse à Juliette, Jean Verdon dresse un amusant et très sérieux panorama de l'amour, avec le mode d'emploi...
Tristan et Iseut, Héloïse et Abélard - l'amour a divinement inspiré les auteurs du Moyen Age. Les troubadours proposent un art d'aimer et une " carte du tendre " s'élabore. Les œuvres littéraires nous parlent d'amour, et la sexualité n'est pas si mal connue, d'autant que les Arabes tout proches ont une culture raffinée de l'art amoureux... Même si, pour l'Eglise, l'amour est une passion inquiétante qui fait perdre la tête, le lien amoureux existe à l'intérieur du mariage. D'Alcuin, dans la première moitié du ixe siècle, ne cache pas son immense douleur après la mort de son épouse. Des rapts ont lieu, avec le consentement des jeunes femmes, pour permettre des unions que refusent les familles. Hors mariage, l'amour triomphe aussi : ainsi le concubinage de saint Augustin ou la passion éprouvée par Roméo et Juliette... Historien du Moyen Age, spécialiste de la vie quotidienne, Jean Verdon a pris un plaisir évident à composer ce manifeste de l'amour au temps des troubadours et parvient avec finesse à montrer comment les hommes vivaient réellement un sentiment qui met en jeu à la fois le corps et l'esprit.
L'amour, l'amour... Oui et non. Le sous-titre de l'ouvrage est "la chair, le sexe et le sentiment". Soyons honnete, on parlera nettement plus de sexe que de sentiment.
Le livre n'est pas mauvais, loin de la, mais souffre d'un defaut (qui n'est pas la faute de l'auteur): on y traite en effet quasi-exclusivement des relations maritales/sexuelles au sein de la NOBLESSE. Le reste de la population (soit 95% des gens de l'epoque), vous pouvez oublier. Pourquoi? Le probleme des sources, tout simplement. Sachant que d'une part seul les personnes lettrees etaient capables d'ecrire a l'epoque (que ce soit sur ce sujet ou n'importe quel autre), et que d'autre part la noblesse considerait le bas-peuple comme trop "primaire" pour etre capable d'aimer (on est plus dans le registre de la pulsion animale), on ne dispose helas que de trop peu de temoignages dedies aux principaux concernes.
Ce n'est donc sans doute, pas du tout meme, representatif. On apprend neanmoins quelque chose d'interessant, a savoir qu'il est probable que l'infidelite conjugale etait peu repandue dans la paysannerie. Pourquoi? Et bien vu que dans un petit village, tout le monde connaissait tout le monde, disposait d'un emploi du temps relativement identique, et que le nombre de lieux ou on pouvait etre tranquille etait tres limite, cela rendait de telles unions illegitimes nettement plus difficiles a mettre en oeuvre...
Chez les puissants bien entendu, il en allait tout autrement.
Jean Verdon va bien evidemment s'attarder sur l'amour courtois, sur les histoires de coeur entre un courageux chevalier et une dame mariee (avec le Seigneur du dit-chevalier tant qu'a faire), le tout parseme de nombreux extraits de poemes/textes litteraires medievaux. Bref, on est quand meme peut-etre plus proche du domaine d'une vision fantasmee et litteraire que correspondant reellement a la realite. Meme si, bien entendu, la vision de l'amour qu'avaient nos aieux n'avait strictement rien a voir avec celle communement admise dans l'Occident du XXIeme siecle. On distinguait alors l’amor (passion violente, charnelle et dangereuse aux yeux de l’Eglise) et la caritas (amour chretien, fraternel). Au cours du Haut Moyen Age, les textes n’utilisent pas le mot amor dans un sens positif, l’affection etant designee par d’autres termes.
Peut-on donc ainsi reellement parvenir a comprendre ce qu'etait l'amour au Moyen-Age? L'auteur lui-meme semble admettre que non: " il faut bien l’avouer, la vie intime de nos ancêtres nous échappe en bonne partie. Finalement, n’est-ce pas mieux ainsi ? Même dans un couple comblé, il subsiste toujours une part de mystère qui échappe à l’autre."
Sans remettre en cause la qualite du travail de Verdon, on reste un peu sur sa faim.
"L'amour au Moyen-Age", de Jean Verdon, 2006
Professeur émérite d'histoire medievale à l'université de Limoges, Jean Verdon a publié de nombreux ouvrages, dont deux couronnés par l'Académie française, parmi lesquels : La Nuit au Moyen Age, Le Plaisir au Moyen Age, Voyager au Moyen Age, Boire au Moyen Age, Le Moyen Age:Ombres et lumières...
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"Et bien vu que dans un petit village, tout le monde connaissait tout le monde, disposait d'un emploi du temps relativement identique, et que le nombre de lieux ou on pouvait etre tranquille etait tres limite, cela rendait de telles unions illegitimes nettement plus difficiles a mettre en oeuvre..."
RépondreSupprimerCa me parait assez étonnant d'en arriver à cette conclusion. Les tableaux de Bruegel montre des fêtes de village très débauchées, sans parler des vision de Jerome Bosh.
Je n'ai pas d'avis sur la question, je rapporte juste les propos de l'auteur. Mais il parle bien ici uniquement de couples aulteres hein!
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