dimanche 12 avril 2020

lecture: Histoire de l'enseignement et de l'education depuis 1930, de Antoine Prost


Une synthèse sans équivalent des bouleversements intervenus dans l'enseignement de 1905 à 1981.
Le XXe siècle est celui de l'explosion scolaire. Et en même temps, de la multiplication des questionnements. Parents, éducateurs, pouvoirs publics s'interrogent sur ce qui se passe -ou ne se passe plus- dans les écoles, les lycées, les universités ; ils s'étonnent des comportements des jeunes entre eux et dans leurs familles ; ils comprennent mal leur façon de vivre le présent et d'appréhender l'avenir. Ce livre apporte des réponses à ces questions en combinant l'histoire de l'enseignement et de l'institution scolaire, l'histoire de la place de l'enfant dans les familles et celle des transformations sociales qui ont affecté la France. En organisant son propos tantôt à partir des clivages entre classes sociales, tantôt à partir des articulations entre classes d'âge, Antoine Prost offre une synthèse sans équivalent des bouleversements intervenus depuis les années 1930. Cet ouvrage de référence constitue aussi le guide le plus éclairé pour comprendre les enjeux de l'éducation aujourd'hui.

Un livre remarquable, que j'ai devore du debut a la fin. Beaucoup se plaignent (surement a raison...) de la baisse de niveau tant d'instruction que d'education des jeunes generations, mais beaucoup etablissaient deja un tel constat lors de la sortie du livre, en 1981, qui n'a pas pris une ride.
Comme le titre l'indique, on ne parle pas seulement de l'histoire de l'ecole (meme si elle joue un role de premier plan) mais bel et bien de l'enseignement et de l'education (par la famille, la societe...) dans son ensemble. On ne pourra pas reprocher a l'auteur un manque de rigueur, car on est bombarde de tableaux et statistiques, a un point ou j'avoue, c'est parfois un peu l'overdose.

Il est amusant de noter qu'autrefois c'etaient les sciences humaines (latin, philosophie, litterature, etc) qui etaient l'apanage des elites. Un fils de bourgeois ne se serait pas "abaisse" a suivre un simple cursus en mathematiques ou physique-chimie. La tendance s'est completement inversee quelque part durant les annees 60, ou ce sont les etudes scientifiques qui sont devenues la voie la plus prestigieuse (alors que les etudiants en lettres sont assez souvent devalorises).
On notera aussi que tant les elites que les classes inferieures ont parfois adopte des modes d'education identiques, mais pour des raisons opposees!

Un des tres gros bouleversements qui a transforme en profondeur toute la societe fut l'apparition de l'adolescence (d'un point de vue social evidemment, pas biologique!). Autrefois, que ce soit a la campagne (soit une majorite de la population jusque vers 1945) ou a la ville, on passait directement de l'enfance a l'age adulte; il etait banal de commencer a travailler vers 13 ou 14 ans. Seul les enfants des classes superieures/aisees poursuivaient des etudes au college/lycee/universite... qui ne s'appellaient pas ainsi ou du moins ne designaient pas les memes choses qu'aujourd'hui. Le livre presente vraiment en details tous les types d'etablissements qui se sont succedes durant le XXeme siecle, et ils sont legion! J'avoue ne presque avoir rien retenu, tellement c'est un capharnaum monumental.

Il y avait egalement des "rites de passage", plus ou moins disparus de notre societe occidentale, comme par exemple le service militaire pour les jeunes hommes qui par ailleurs, etaient une sorte "de retour sur investissement" des parents. Pour un couple d'agriculteurs par exemple, il aurait ete tres tres mal vu que leurs fils ne travaillent pas a leurs cotes au moins jusque vers 21-22 ans, avant d'ensuite aller se marier. Un homme jeune en bonne sante etant a son niveau le plus productif, il etait normal qu'il soit mis a disposition de sa famille durant ses meilleurs annees, afin de "rembourser" son education, avant que ses parents le liberent pour qu'il puisse aller faire sa vie.
La notion de copains, d'amis, est egalement extremement recente. Autrefois, on frequentait avant tout les membres de sa famille, et les sorties avec les autres enfants de l'entourage etaient lourdement limitees et surveillees.

Rien de nouveau sous le soleil, l'ecole a par ailleurs toujours ete une lutte de classes, et il n'a jamais ete question, contrairement a ce que voudraient croire certains esprits naifs, que tous disposent des memes chances au depart. De meme qu'il n'a durant longtemps jamais ete question de vouloir amener 80 ou meme 70% d'une classe d'age au baccalaureat. Le General de Gaulle ou Pompidou ont au contraire voulu tout faire pour limiter au maximum le nombre de bacheliers! (mais ceci est plutot traite dans un autre livre dont je reparle peu apres)

Cet ouvrage ne souffre que de deux defauts: il y a vraiment BEAUCOUP de tableaux/graphiques, et surtout il s'arrete a 1981... Il s'agit certes d'une reediiton de 2004, mais dans la preface, Antoine Prost nous dit que mettre le livre a jour aurait demande un travail par trop considerable (il est deja assez epais comme ca, il faut l'avouer), meme s'il est le premier a reconnaitre que depuis l'arrivee de Francois Mitterrand au pouvoir, il s'est passe enormement de choses. Cela necessiterait carrement un nouvel ouvrage.
Et justement! Figurez-vous que le meme Antoine Prost a ecrit en 2013 "du changement dans l'ecole - Les reformes de l'education de 1936 a nos jours", qui complete admirablement cette "Histoire de l'enseignement et de l'education depuis 1930". Sauf que helas, il ne traite ici QUE du domaine scolaire (et plutot sous un angle politique et administratif) et non de l'education dans son ensemble. Mais cela reste neanmoins un excellent a-cote.

Un travail de longue haleine, dont il n'existe sans doute pas beaucoup d'equivalent. Si le sujet vous interesse, foncez.


"Histoire de l'enseignement et de l'education depuis 1930", de Antoine Prost, 2004 (première édition 1981)

Antoine Prost, né en 1933, est un historien de la société française au XXe siècle à travers notamment l'étude des groupes sociaux, des institutions et des mentalités. S'il est avant tout spécialiste de la 1ere Guerre Mondiale (il a publié au moins une quinzaine d'ouvrages sur le sujet), il est également expert des questions d'éducation; il a collaboré à plusieurs reprises à la définition des politiques d'éducation depuis 1964.
Anciennement professeur à la Sorbonne, il est depuis 2012 membre du Comité pour l'histoire préfectorale, et il préside le Conseil scientifique de la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale.
Il préside également le Conseil scientifique du Mémorial de Verdun.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire