Le plus beau cadeau qu'on me fera jamais

Aujourd'hui, je vais vous raconter une longue et incroyable histoire...

 

Entre 1977 et 1981, il y eut au Japon un fan-club non-officiel de Grendizer, qui edita un fanzine du nom de Spaizer durant 22 numeros (+ 2 hors-serie). Enfin, on y parle parfois un peu d'autres anime de l'epoque, mais c'est Grendizer a 90%.

Dans le numero 11, on avait une liste des derniers membres enregistres, cela allait jusqu'au numero 140. Ce qui peut nous laisser supposer qu'il a du compter environ 150 membres, et que donc le fanzine a ete tire a a peu pres autant d'exemplaires, allez disons 200. Partant du principe qu'au moins la moitie a du etre perdue/partie a la poubelle depuis, en etant optimiste il ne resterait alors que peut-etre une centaine d'exemplaires (par numero) en circulation sur la Planete Bleue. Ayez conscience du caractere exceptionnel de la chose.
Il y a bien une adresse postale dans le fanzine pour pouvoir se procurer les numeros manquants mais vous vous doutez bien qu'elle n'est plus valable; je le sais, j'ai essaye. Je ne m'attendais pas a ce qu'il reste des stocks (auquel cas j'aurais tout rachete) mais meme le nom et l'adresse ne correspondent plus.
La plupart des membres sont nes autour de 1960. Ils avaient donc 15-16 ans au moment de la diffusion, et 18-20 lors de l'epoque du fanzine. En consequence, ces gens-la ont la soixantaine aujourd'hui... Et on voit bien au vu des textes/fanarts que les combats de robots ils n'en ont rien a foutre; ce qui les interesse ce sont les personnages, le graphisme, et la dramaturgie du DA.

J'avais reussi a acquerir une dizaine de numeros au tout debut des annees 2000 via Yahoo Auction, et pour une bouchee de pain, avant que le e-commerce demarre reellement. Malheureusement, ayant cruellement besoin d'argent, j'avais du les revendre il y a genre 12-13 ans, sachant pertinemment que jamais je ne les retrouverais (evidemment, j'avais fait des photocopies au prealable!). Et en effet. Meme en faisant un check quotidien sur Yahoo (et parfois un coup d'oeil sur Mandarake, au cas ou), je n'en ai plus jamais vu passer ne serait-ce qu'un seul numero! Et quand bien meme il y en aurait eu un, il aurait surement pris une cote de malade.

Bon, je ne suis pas trop gourmand, deja des photocopies c'est exceptionnel. Et j'ai pu en obtenir d'autres par le biais d'une fan italienne. Au final j'avais reussi a reunir 14 numeros sur 22 (les 2 hors-serie, je les ai toujours, ce sont les seuls que je n'ai pas revendus), sans veritablement croire qu'un jour je pourrai obtenir l'integrale... en copies, les exemplaires originaux je n'y songeais meme pas!

 

Changeons de sujet.

En 2016, sur le forum La Lune Rouge, mon camarade Super Shogun publie la page suivante, tiree du Journal de Goldorak numero 20 de 1979. Le magazine avait recu une lettre du Japon de la part d'une certaine Michiko Migita (age non precise), en anglais, qui cherchait des correspondants francais pour pouvoir discuter de Goldorak (en anglais uniquement, elle ne parlait pas francais). Sur le forum, on en vient a se demander ce qu'elle est devenue, si elle a eu beaucoup de reponses, et si plus de 35 ans apres, elle etait toujours fan de l'anime. Un autre membre du forum, JayWicky (qui a d'ailleurs ecrit une biographie de Go Nagai que je vous conseille vivement), raconte qu'il avait essaye de la contacter durant les annees 90, mais ca n'avait rien donne.

Par curiosite, j'avais cherche l'adresse indiquee dans la revue, mais en 2016 elle donnait sur un restaurant.

La discussion s'arrete la, et tout le monde passe a autre chose.

Avril 2025. Un autre membre du forum, Bouleau Blanc, poste des liens Twitter (enfin X) d'un compte japonais traitant de Grendizer. L'ID de la twitteuse (?) est Michi. Michi, c'est le pseudonyme de Michiko, mais bon, c'est un prenom assez banal... Un autre camarade, Monsieur Vilak, decide de lui envoyer un message en anglais, et elle repond...

C'etait bien elle. La Michiko Migita de 1979, meme si elle avait change de patronyme suite a son mariage (probablement avant la fin des annees 80, ce qui explique aussi peut-etre pourquoi JayWicky n'avait rien obtenu).

Revenons en 1979. Pour les vacances de printemps, une membre du fan-club vient faire un petit sejour en Europe, au moins France et Italie (sans doute une etudiante qui venait de finir sa scolarite?). Le phenomene Goldorak etait deja connu, car ayant ete relaye dans certains medias nippons de l'epoque, mais elle a l'occasion de le vivre "en vrai" (elle raconte notamment avoir vu une troupe s'agglutiner devant les televiseurs d'un magasin de hi-fi video au moment de la diffusion d'un episode). Elle en profite pour acheter et ramener avec elle tout un tas de livres ou goodies... Ceci sera traite en details dans le numero 15 (et un tout petit peu 16) de Spaizer.

De retour au Japon, elle les partage avec certains des autres membres du fan-club, dont Michiko, alors agee de 18 ans (ce n'est certes pas tres elegant - vous ferez le calcul pour connaitre son age actuel - mais comme elle nous l'a revele elle-meme, je ne pense pas qu'elle m'en tiendra rigueur). Elle recupere donc au moins un exemplaire de la publication dont je parlais plus haut, note l'adresse, et envoie sa lettre...

Retour a 2025, ou suite au message de Monsieur Vilak, elle vient carrement s'inscrire et discuter sur le forum! On apprend au passage qu'elle-meme a ete presidente d'un autre fan-club, pas sur Grendizer specifiquement, mais sur Shingo Araki. Elle m'a ensuite explique qu'a cette occasion, elle avait pu se rendre a plusieurs reprises dans les locaux de Araki Pro, et pu rencontrer Araki et Michi Himeno, notamment au moment ou le duo travaillait sur Versailles no Bara.

 

J'entame une conversation privee avec Michiko-senpai, et je lui dis notamment que je cherche a recuperer l'integrale des numeros du fanzine (evidemment je ne demande pas les originaux! De simples photocopies m'empliraient deja de bonheur), alors si jamais par le plus grand des hasards il lui en restait...

Et la, et bien... "Oh je dois quasiment tous les avoir. Ils doivent trainer dans la maison de mes parents, mais qui est inoccupee depuis 4 ans (je suppose qu'ils sont decedes). J'ai peur que quand je ne serai plus la, ma famille jette tout a la poubelle. Aussi je serais ravie de les offrir a quelqu'un qui en prendra soin!"

PUT...!!!!

A peine quelques jours plus tard, je recois un colis (sachant qu'elle habite le departement a cote du mien! Incroyable coincidence la encore! Mais elle y a toujours vecu). Dedans il y avait la - presque - integrale. En fait il manque le numero 14, mais l'ayant en phocotopie ca va, de plus en me debrouillant avec mon imprimante et des agraffes, je devrais pouvoir etre en mesure de fabriquer un "faux vrai exemplaire" :) Et il manque egalement le 5, ca par contre j'ai pas. Peu probable que je reussisse a mettre la main dessus un jour, que ce soit en reel, en photocopies, ou meme en scans. Neanmoins, Michiko-senpai a passe un appel sur son Twitter, au cas ou une de ses connaissances l'aurait...

 

Meme s'il me manque un numero, c'est juste extraordinaire. JAMAIS je n'aurais pu imaginer, meme dans mes reves les plus dingues, arriver un jour a obtenir la collection (quasi) complete de Spaizer, que j'ai toujours vu comme un Graal inaccessible. Qui plus est gratuitement... C'est bien entendu avant tout la valeur affective qui m'importe; pour un "archeologue de la japanimation" comme moi, ca n'a vraiment aucun prix, temoignage d'une epoque disparue... Comme je vous le disais en intro, on peut estimer a au mieux quelques dizaines d'exemplaires par numero encore en circulation sur la planete. Alors l'integrale!!! (moins un)

Mais niveau valeur marchande, c'est difficilement chiffrable. J'avais revendu une dizaine de numeros pour 100000 yen. Il y a 15 ans. Alors le double de numeros en 2025... Ca partirait peut-etre bien a 400000 yen, voire un peu plus... Mais quels que puissent etre mes deboires financiers, meme si je dois me retrouver a la rue, jamais je ne m'en separerai, quitte a les mettre de cote aupres d'un ami proche ou de la famille.

De toute mon existence, c'est juste le plus beau des cadeaux qu'on aurait jamais pu me faire.

Evidemment j'ai chaleureusement remercie ma bienfaitrice, a qui je vais envoyer quelques cadeaux dans les jours qui viennent.

 

Au final, si je rajoute ce que je possedais de base au prealable, je me retrouve avec 21 numeros sur 22 (dont un en photocopie), les 2 hors-series, un "fan calendar" (annee 1979), une brochure pour une mini-convention d'aout 78 (avec diffusion d'episodes gracieusement pretes par la Toei. He! Y avait pas encore de magnetoscopes a l'epoque!), un poster avec le listing des episodes... et enfin deux numeros d'un fanzine - Fried - d'un autre fan club, dont je n'avais jamais entendu parler, mais dont je ne partirai pas a la recherche, les miracles ca n'arrive qu'une fois.