(article initialement publie le 24 Avril 2011)
"Qu'est-ce qui constitue une preuve ? Faut-il qu'un ovni atterrisse à l'entrée du Pentagone, auprès des chefs d'état-major ? Ou est-ce une preuve lorsqu'une station de radar au sol détecte des ovnis, envoie une escadrille d'interception, que les pilotes voient l'ovni, le prennent au radar et le voient s'éloigner à une vitesse fantastique ? Est-ce une preuve seulement quand le pilote lui tire dessus et maintient sa version devant une cour martiale ? Ceci ne constitue-t-il pas une preuve ?" (Major E.J.Ruppelt)
"L'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence." (Martin Rees, astrophysicien britannique)
"Le meilleur moyen de ne pas trouver de preuve, c'est de ne pas en chercher." (Pierre Guérin)
La notion de preuve en général, et de preuve scientifique en particulier, est tout sauf triviale. Elle donne lieu à d'innombrables et interminables débats épistémologiques depuis des siècles. L'ufologie traite de choses / phénomènes dont on ne connait pas la nature (c'est justement ce que l'on veut démontrer). Il est donc très difficile d'y appliquer un "étalon" de preuve. Il n'y a aucune "bible", aucun ouvrage de référence, aucune étude universitaire ou littéraire universellement acceptée qui définisse la "vraie" preuve en matière d'ovni.
Pour la plupart des sceptiques, la preuve est faite depuis longtemps que toute cette histoire d'OVNI et d'extraterrestres est un mythe moderne, à ranger au rayon des autres superstitions (bigfoot, Loch Ness, revenants, communication avec les morts, pouvoirs PSI, etc.). Inutile donc de perdre du temps et de l'argent à étudier un sujet qui n'a jamais su quitter le rayon ésotérisme des librairies, ni la rubrique canular des journaux depuis 50 ans.
De l'autre coté, pour beaucoup d'ufologues, la preuve est également faite depuis longtemps ... mais du contraire. Les OVNI sont un fait avéré, reconnu de tous à l'exception d'une petite minorité de réfractaires. Le phénomène étant indubitable, et s'imposant à tous dans sa globalité depuis 50 ans, il convient désormais de ne plus perdre de temps à essayer de le prouver, mais de mettre toute son énergie à essayer de mieux le comprendre et l'expliquer. Trouver le "comment", mais aussi le "pourquoi". De fait, pour eux, l'étude fouillée de tel ou tel cas particulier est inutile car, avec un peu de mauvaise foi, un "sceptique" pourra toujours trouver un petit détail non expliqué. Seule l'étude du phénomène dans sa globalité, sans restrictions aucunes (ie : même en prenant en compte les cas les plus bizarres) permettra d'avancer dans sa compréhension.
Donc lorsqu'on entend dire "il n'y a pas de preuves (tangibles) de la réalité des OVNIS", il faut comprendre : des "vaisseaux spatiaux pilotés par des extraterrestres". Et c'est là justement que l'ambigüité commence, dans la définition même du terme OVNI, et donc de la chose à prouver.
Ces "sceptiques" mélangent en effet le phénomène observé avec son explication. Ils présupposent, comme la majeure partie de la population, qu'un "vrai" ovni est forcément un engin interplanétaire avec des petits êtres humanoides à son bord.
Voilà l'imagerie simpliste et commerciale qui est sous-tendue par cette simple phrase, et contre laquelle il faut lutter. Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : avant de discuter sur ce qui provoque un phénomène, il faut d'abord vérifier que ce phénomène est bien réel. C'est du simple bon sens.
L'autre ambiguïté de l'argument "il n'y a pas de preuves", tient au non-dit sur la notion même de preuve. Dans ce cas là le néophyte, le quidam de la rue, va immédiatement penser "preuve scientifique", tant l'aura de la Science est devenue majeur depuis quelques dizaines d'années. Et il aura tort.
Il est impossible de démontrer "scientifiquement" que les ovnis existent. De même il est impossible de prouver "scientifiquement" que j'ai vu un camion blanc hier à 14 heures, ou bien que je sois marié. Et pourtant je peux vous assurer que l'une au moins de ces deux affirmations est vraie.
De même, la base, la matière même du dossier OVNI, ce sont des témoignages, et des traces (échos radar, photos, films, traces au sol). Or on ne "prouve" pas scientifiquement une observation, ou un témoignage. On la constate, c'est tout, et on en tire le cas échéant des hypothèses, ou des confirmations. Ou bien on fait une enquête (policière, judiciaire, journalistique) pour le confirmer ou l'infirmer. Mais dans tous les cas on reste dans le domaine de la preuve "testimoniale" (donc de l'enquête), et non pas "scientifique".
Bien entendu cette enquête peut elle-même faire appel avec profit à des méthodes scientifiques chaque fois que possible : par exemple par une analyse biochimique d'échantillons de traces au sol (en double aveugle, auprès de plusieurs laboratoires indépendants de préférence). On cherche alors à prouver la présence d'éléments "non naturels" dans l'échantillon.
Enfin, les sceptiques disent très souvent que "Les "croyants" aux ovnis abaissent indûment le niveau de preuve à fournir". Pour eux, la preuve scientifique serait toujours plus forte que la preuve judiciaire ou testimoniale. Ils cherchent ainsi à minimiser le poids des preuves en faveur des ovnis, voire à les ramener à presque rien. Ce faisant ils se trompent évidemment et trompent ceux qui les croient. Les deux types de preuve n'ont pas des poids comparables, elles s'appliquent à des domaines distincts. Une théorie scientifique ne pourra être prouvée que scientifiquement, et jamais par une enquête ou des témoignages. A l'inverse, une fraude fiscale, mon mariage, ou l'observation d'une nouvelle comète, ne peuvent être prouvés qu'au sens testimonial, et non scientifique.
Les sceptiques enchainent alors en disant parfois : "eh bien, puisque le phénomène n'est pas prouvable scientifiquement, il est vain, inutile et ridicule de continuer à l'étudier". On ne peut évidemment qu'être en désaccord avec cette attitude résignée, voire frileuse ou peureuse.
D'une part parce que la difficulté de la preuve est largement compensée par les enjeux. Aussi improbables qu'on veuille bien les juger, les théories avancées à ce jour pour expliquer les OVNIS, pourraient en effet toutes révolutionner notre civilisation. D'autre part parce que le phénomène est prouvable quand même (au sens testimonial) et que ce n'est pas rien ! Certains évènements majeurs de notre siècle, tels la shoah, sont prouvés ainsi, et c'est tant mieux.
En résumé : preuve scientifique, non. Méthode scientifique, oui, chaque fois que possible.
Lorsque vous poussez les sceptiques à bout en leur demandant de préciser ce qu'ils entendent par "preuves tangibles", ils finissent tous en général par se réfugier dans l'une des trois propositions suivantes :
1. Une soucoupe volante (ou un morceau) à analyser en labo
2. Un extra-terrestre (ou un cadavre, ou un morceau) à analyser en labo
3. Un débarquement officiel en grande pompe, à l'ONU, d'un ambassadeur E.T., filmé pour le journal de 20h
Ces arguments témoignent d'une vision anthropocentrique, et assez arrogante du monde, qui plaque sur d'éventuels visiteurs d'un autre monde nos propres turpitudes et pulsions agressives. Il est bien évident que lorsqu'on exige "ça" comme niveau de preuve, alors tout débat est clôs. De telles preuves ne peuvent en effet nous être fournies que si nos "visiteurs" le veulent bien, et ils auraient toutes les raisons possibles pour l'éviter, dans le contexte actuel (non ingérance ou non perturbation de notre civilisation notamment).
De plus, même si de telles preuves ont jamais existé (des débris par exemple), les autorités (services secrets, militaires, gouvernants) auraient toutes les raisons du monde de nous les cacher.
1. Comment obtenir ces morceaux d'OVNI ou OVNIs entiers ?
Les sceptiques les plus imaginatifs suggèrent que l'on "descende" carrément l'une de ces "soucoupes", avec un missile par exemple. Cette brillante proposition nous éclaire sur le niveau de civilisation de ceux qui la font. Comment ! Des étrangers venus de loin, viennent nous visiter discrètement et pacifiquement, et tout ce que nous suggèrent ces "sceptiques" c'est de leur tirer dessus sans sommation ?
Belle mentalité. Si des E.T. nous visitent effectivement, je comprends dès lors qu'ils soient prudents et évitent tout contact prématuré avec une espèce aussi belliqueuse.
De plus, qui dit que nous soyons même capables de toucher un de ces engins, au point de l'endommager ou de l'abattre ? S'ils ont pu venir jusqu'à nous malgré les distances interstellaires immenses, s'ils sont capables des prouesses alléguées en vol, il est logique d'imaginer une avance technologique en leur faveur. Fût-elle seulement de 1000 ans, il est plus que probable qu'elle leur conférerait une invulnérabilité de fait face à nos meilleurs chasseurs et équipements de défense aérienne.
De même un accident (incident matériel, foudroiement pendant un orage, fausse manoeuvre), s'il n'est pas totalement exclu a priori, parait improbable, pour les mêmes raisons que ci-dessus. Selon la même analogie, nos avions de ligne actuels sont infiniment plus fiables que ceux d'il y a 50 ans, les automatismes informatiques corrigent automatiquement moult erreurs humaines, les systèmes sont souvent redondants, et cette tendance à la sécurisation ne fait que s'accentuer.
2. Comment être certain de leur nature "extraordinaire" (ET ou autre) ?
Comment identifier à coup sûr un débris comme étant extraterrestre, ou même seulement "paranormal" ?
Par une analyse physico-chimique ? Les lois de la physique étant les même partout dans l'univers, il est probable que des engins "autres" soient constitués des mêmes matériaux ou combinaisons et alliages (fer, acier, aluminium, titane, etc.).
Bien sûr on peut espérer tomber sur des isotopes non fréquents sur Terre. Par une analyse fonctionnelle ? J'imagine que certains pseudo-sceptiques rèvent de tomber sur un "pisto-laser" chargé, avec lequel ils "grilleraient" tout un immeuble. Ou sur une soucoupe complète en état de marche, qu'un surdoué du jeu video apprendrait à piloter en quelques heures, et qui les emmenerait pour un voyage éclair Terre-Mars-Terre d'à peine une heure...
Plus probablement nous resterions comme deux ronds de flan devant une technologie qui dépasse la notre de plusieurs centaines ou milliers d'années. Si un savant du moyen-âge avait découvert par hasard un disque DVD, il n'y aurait vu qu'un beau miroir rond, de facture étrange, et constitué d'une matière inconnue. Jamais il n'aurait pu concevoir que de la musique et des images parlantes en couleur étaient inscrites dessus. Si un égyptien ancien tombait sur le cockpit d'une capsule Apollo, jamais il ne pourrait deviner son usage, ni a fortiori la faire fonctionner.
3. Comment éviter que le "secret défense" ne leur soit appliqué ?
Mais admettons que l'on ait retrouvé un tel élément matériel, et qu'il ait été identifié comme "étrange". Compte tenu des enjeux colossaux, il est probable qu'une chape de plomb tomberait aussitôt, si la confirmation officielle de l'existence d'intelligences non humaines était faite, et a fortiori si des contacts étaient avérés. Non seulement cette révélation risquerait de causer de grands troubles dans le monde, notamment dans le domaine religieux, mais il est à peu près certain que "la grande muette", l'armée, chercherait d'abord et avant tout à en tirer un profit stratégique personnel. Dans un premier temps afin d'évaluer les risques pour la Défense du pays, dans un second temps dans l'espoir fou d'en tirer des retombées technologiques décisives (bref, de fabriquer des armes encore plus destructrices ou invulnérables).
Dans des tas de domaines de la vie courante, la preuve scientifique ne peut pas s'appliquer, et en pratique, on applique avec un résultat globalement positif la preuve juridique/testimoniale.
Exemple : en pratique, l'immense majorité des 7 milliards de terriens se contente de témoignages, pour croire que Neptune est une planète géante gazeuse, la 8ème en partant du soleil. Personne, moi le premier, ne l'a observée réellement. L'eussions nous fait, que nous aurions d'ailleurs été incapables de prouver que ce petit point lumineux à peine visible dans les plus puissants de nos télescopes, est une planète, et encore moins la 8ème planète de notre système solaire. Nous croyons ces témoignages, car ils émanent de savants respectables et nombreux, qu'ils sont imprimés sur les livres de classe et diffusés par les médias. Ils ne sont plausibles que si l'on accepte également toutes les découvertes antérieures (Uranus, Saturne, Jupiter ...), qui relèvent elles aussi du témoignage et de la croyance pour le quidam moyen.
L'analogie s'arrête là. Car en théorie, un astronome pointilleux, qui déciderait de vérifier l'existence de Neptune, pourrait pointer son instrument dans la direction indiquée par les tables astronomiques (1ère vérification), calculer son mouvement d'après les lois de Newton, prévoir ses positions futures, et vérifier expérimentalement qu'elle s'y trouve bien (seconde vérification). Mais c'est uniquement parce que nous parlons là d'un phénomène naturel, reproductible et prévisible, domaine de prédilection de la Science. S'agissant d'un phénomène imprévisible, non reproductible, et apparemment "intelligent", comme celui des ovnis, les sciences exactes atteignent là par définition leurs limites. On entre alors dans les sciences humaines (analyse des témoignages, socio-psychologie), puis de la "non-science" : enquête, recoupements, recherche d'indices, de traces, de témoins, étude systématique de toutes les explications "rationnelles" envisageables.
Bref, si par preuve on entend morceau de vaisseau ou de corps ET, alors non, il est clair qu'a l'heure actuelle nous ne disposons d'aucune preuve, tout du moins officiellement.
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