jeudi 9 juillet 2015
lecture: Histoire des enfers, de Georges Minois
Je lance une nouvelle rubrique sur ce blog: des fiches de lecture sur des ouvrages qui ne concernent pas des sujets de culture populaire; pour etre franc ce sera essentiellement des bouquins d'Histoire.
Et on commence justement avec "Histoire des enfers". Attention, le titre est trompeur. Bien que faisant deja 400 pages sans images (et c'est pas du format poche...), tout n'est pas aborde, loin de la.
Dans un premier temps, Georges Minois nous presente les enfers tels qu'ils etaient evoques dans les civilisations antiques occidentales, mais des le 3eme chapitre on ne parlera guere plus que de l'Enfer (avec un grand E) chretien; a l'exception d'un chapitre entierement consacre a celui de l'Islam. Exit donc les representations infernales africaines, amerindiennes, ou asiatiques (l'Inde est un tout petit peu evoquee, le Japon a droit a une ligne). C'est dommage mais il y a deja de quoi faire avec ca.
L'enfer est aussi vieux que le monde, ou plutot que la conscience du mal. Neanmoins, il prend des formes tres differentes. Le concept de lieu de chatiment pour les mechants n'existait pas vraiment dans l'Antiquite. Celui de lieu de bonheur non plus d'ailleurs. Seul les etres extraordinaires, les heros, les dieux, y avaient acces, le simple mortel se retrouvait generalement dans un etat semi-vegetatif, sans douleur ni joie...
L'auteur nous resume donc comment l'Eglise a cree l'Enfer, et l'evolution de celui-ci et de la societe humaine l'accompagnant. J'ai trouve le tout tres interessant mais helas parfois trop redondant. On nous repasse en detail inlassablement divers supplices subis par les Damnes, ainsi que des tentatives d'explications sur ce qu'est l'Eternite, la peine du Dam, la nature du feu infernal, ou pourquoi un Dieu d'Amour condamnerait-il ses enfants a des tourments sans fin.
Bien evidemment, on se rend vite compte que l'Enfer a telle epoque donnee n'est que le reflet du monde au meme moment, on ne sera donc pas surpris de voir l'Enfer le plus horrible a la fin du Moyen-Age, victime de la peste et des guerres incessantes... Ensuite, avec les Lumieres, les progres scientifiques, philosophiques, et moraux, le Royaume de Satan devient de plus en plus pure abstraction, voire disparait totalement de l'Au-dela... pour s'affirmer sur Terre, particulierement durant la 1ere moitie du XXeme siecle, et ses crimes abominables. En 2000 ans, on est egalement passe du postulat que seuls certains Chretiens beneficieraient du Paradis (144000 au maximum pour je ne sais plus quelle secte!), alors que tout le reste de l'Humanite etait voue a l'Enfer, enfants morts avant d'etre baptises inclus, a l'idee que l'ensemble des hommes de bonne volonte sera sauve, meme en dehors de l'Eglise.
Une petite enquete (qui a deja trente ans) dans le dernier chapitre nous montre meme une chose amusante. Alors que 40% de la population croit au Paradis, seul 23% croit desormais en l'Enfer... dont 4% des athees! :) On note aussi que 25% des catholiques croient qu'il n'y a rien apres la mort, Paradis inclus (ce qui peut paraitre etrange, car contraire au dogme quand meme...)
Comme le fait remarquer Georges Minois, 23% c'est a la fois peu et beaucoup, et il y aurait beaucoup a dire sur la notion de ""societe moderne"(...), par laquelle on definit un peu vite les pays industrialises ou la science et la technique ont progresse beaucoup plus vite que la maturite d'esprit du public, comme le montre l'affolant succes des horoscopes, des phenomenes de voyance et autres fariboles".
Je conseille cet ouvrage a ceux qui s'interessent avant tout a l'Histoire de la chretiente en Occident, mais pas a ceux qui s'attendent a trouver une sorte d'encyclopedie des Enfers des differentes cultures et religions.
"Histoire des enfers", Georges Minois, 1991, Fayard
(Amazon reference aussi un "Histoire de l'enfer" au singulier du meme auteur en format poche de 128 pages, je pense qu'il doit s'agir d'une version tres expurgee)
Georges Minois a signe pas mal d'autres ouvrages dans la meme veine comme Histoire de l'atheisme ou L'Eglise et la Science.
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